Certains se souviendront de notre amie Marie Rose Aragon. Ancienne de l'association, elle a souhaité nous écrire un petit texte plein de poésie que vous trouverez en dessous.
Marie Rose a longtemps habité à Saint Jean avant de rejoindre son fils dans les Alpes.
Bien sur, les anciens du village se souviendront d'elle puisqu'elle a co-écrit avec Henri Aragon, Jeanne Azéma et Marie Laure Roman l'ouvrage "La Buèges - Chronique d'une vallée"
Nous vous proposons la lecture de ce petit texte ci-dessous
Comment on tombe amoureux d'un lieu ? … Elle ne sait pas par quelle alchimie cela s'est produit : c'est comme l'amour, cela vous tombe dessus. Oui, c'est comme ça que cela lui est arrivé.
Si vous voulez voir à quoi ce lieu ressemble, éloignez-vous des grands axes, laissez les autoroutes et même les nationales. Avant la sortie du village, vous quittez la départementale. Tournez à gauche et une route bizarrement dite secondaire vous accueille avec une belle croix en pierre érigée là pour vous rappeler un je ne sais quel ex-voto.
La route, bordée de chênes kermès et de chênes rouvres, amorce une légère montée pour vous inviter à un parcours tranquille, sans précipitation , pour prendre le temps de sentir la fragrance persistante de la garrigue où le thym et le serpolet dominent. Une petite église paroissiale aux allures d'ermitage vous surprend à la fin d'un tournant. Puis , une première descente vous amène au bord du fleuve dont un minuscule barrage élargit ses méandres pour que le bleu du ciel puisse prendre ses aises dans son lit.Vous traversez le pont sans vous arrêter…Il n'y a plus rien à voir depuis qu'à longueur du temps, par des crues dévastatrices, les pierres du vieux moulin ont été emportées.
La route monte à nouveau vers un paysage encore plus aride, fait de pierre et de roche et selon la saison, les cigales font chorus. Ou alors si c'est au printemps, les asphodèles vous accueilleront avec leurs hautes tiges qui, au moindre souffle, impriment un léger mouvement de houle dans le seul but de parfumer l’air d’une senteur sirupeuse indéfinissable. Une courte ligne droite et vous plongez vers votre objectif, parce que vous n'êtes là que pour cette vallée du bout du monde. Il faut attendre le deuxième lacet pour apercevoir tout au fond la rivière qui s'étire paresseuse dans un paysage hors du temps, avec un peu de vigne, un pré grand comme un mouchoir de poche, quelques oliviers , le village avec son église et son château fort et, à l'instant ,sentir la douceur qui se dégage de ce lieu, pourtant âpre et rugueux, royaume du cade et du genévrier où le minéral domine.
Les pierres ont été extraites une à une du sol arable rare et amoncelées là avec patience par le laboureur qui, à force de vouloir, trouve son accomplissement, construisant des murs en pierre sèche, partant sans se décourager à la conquête du rocher pour préserver encore et encore le moindre grain de terre.
Un monde minéral se dresse devant vous :six cents mètres de dénivelé de rocher pur ,couché là avec nonchalance : Peire Martine, le Roc de Midi, le Roc Blanc, le Roc de Tras Castel, le Roc de l’Aigle. La lumière dorée de la Méditerranée toute proche enlève toute l'austérité au calcaire toujours le même et jamais pareil. Selon l'heure et le temps, il passe du noir au bleu , du bleu au rose , du rose à l'orangé, bucolique ou effrayant, mais toujours éblouissant.
Et peut-être avec un peu de chance, quand vous serez au bord de l’eau, parmi ses gargouillis, vous entendrez une de ces histoires de géants transmises par ouï- dire, de génération en génération. Certains disent que par jour de grand vent, on peut entendre les clameurs de Jean de l’Ours parti à la recherche de sa mère.
Et sans parler du village gaulois et de ses trois dolmens.
Eblouie devant ce monde vertical d'une beauté pure, enveloppée dans la rudesse de la nature…
Elle est tombée en amour pour ce lieu et en elle est resté cet émerveillement.
Voulez- vous connaître ce lieu ?
Approchez , je vais vous le dire au creux de l'oreille: il s'appelle Saint- Jean-de- Buèges.
Marie-Rose Aragon.